Les Thénardier : chronique des Domiciles Partagés

 

Désormais, Les Thénardier que nous ne serons jamais tiendront une chronique régulière  pour donner des nouvelles des personnes relogées dans les Domiciles Partagés et parler de cette nouvelle action.

Inauguration officielle du dispositif jeudi 4 décembre en présence de Madame Laurence Rossignol, Secrétaire d'État en charge de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie, de Monsieur Madec, président de Conseill d'administration de Paris Habitat, de Monsieur Dombrine directeur général de Paris Habitat, de Madame Colombe Brosset, adjointe à la maire de Paris en charge de l'intégration.

Visite guidée en présence des colocataires du 66 rue des Couronnes par Ludovic Jonard d'Architecture et Développement qui a supervisé et suivi les travaux de rénovation et d'aménagement.

Le même jour, Le Parisien consacrait dans ses colonnes un article pour parler des Domiciles Partagés. France Inter diffusait, fin décembre, un reportage d'Édouard Zambeaux sur les colocataires de la rue de la Mare.

 

Quel bilan pourrions-nous faire de ces premiers mois de colocation ?

 

Tout d'abord, les personnes relogées dans des grands appartements expriment un sentiment de soulagement. Elles sont installées confortablement et se sentent enfin chez elles. Elles tournent la page de l'habitat indigne. Elles acquittent un loyer mensuel de moins de 260 €. Ce montant ne met pas en péril un budget dont une partie est envoyée à la famille au pays. Le courrier arrive désormais à la bonne adresse. Le voisinage, prévenu de leur arrivée, est bienveillant et aimable à leur égard. Une aide-ménagère fait le tour des 4 appartements pour un nettoyage complet. Une accompagnatrice sociale rend régulièrement visite aux colocataires pour assurer une présence et aider aux démarches administratives et quotidiennes.

Tout va bien, alors ?

Loin de nous l'angélisme qui consiste à ne surtout pas parler des difficultés. Car il y a des difficultés. Et nous sommes aussi là pour les résoudre.

Nous le savons, charbonnier est maître chez lui : le souhait de tout vieux migrant confronté à un problème de logement est d'avoir sa clé dans la poche et de pouvoir être entièrement libre de ses mouvements, d'aller et de venir où bon lui semble. Autant parler d'une liberté inaliénable pour ces vieux migrants, probablement la seule liberté qui leur reste. Être avec les autres n'est pas aussi facile qu'on le pense. Surtout, quand il s'agit de personnes qui ont vécu longtemps isolés et solitaires. Vivre avec d'autres, au regard de règles communes à respecter, c'est d'abord une contrainte qui pousse à se préserver les premiers temps, quitte à se replier sur soi. Notre rôle est bien entendu de faire en sorte que tout se passe bien pour tout le monde et d'aider chacun à s'adapter à cette nouvelle formule. Cela commence par faire le premier pas vers les autres colocataires qui ne sont pas forcément du même pays (nous avons tenu à assurer une mixité totale dans les appartements, et nous comptons même une femme parmi les colocataires). La présence quasi quotidienne des professionnels mobilisés pour l'action est rassurante et permet un contact direct et permanent avec l'ensemble des colocataires. Dans le cas où des difficultés se poseraient, la recherche d'une solution suit immédiatement, évitant la situation de pourrissement.

Les colocataires ont été invitées à élaborer des règles de vie que chacun se doit de respecter. Ces règles de vie sont annexées au bail de location.

Chaque colocataire a été aidé à s'intégrer dans le logement, notamment à maîtriser le fonctionnement des équipements et de l'électroménager (machine à laver, cuisine, télévision, internet…). Intégration dans l'immeuble et dans le quartier : refaire le "carnet d'adresse" et signaler le changement de domicile, etc.

La difficulté essentielle a été de lutter contre les habitudes acquises dans les meublés et les foyers : continuer d'utiliser les bains douches, les laveries automatiques, de manger froid 

alors que les logements sont équipés pour cuisiner, laver son linge, se laver…

Habitudes heureusement vite abandonnées : le sentiment d'être chez soi redonne le plaisir de cuisiner et de manger chaud, de faire la sieste, de se détendre devant la télévision.

Cela ressemble en fait à une période de convalescence : le temps nécessaire pour se retaper, de retrouver confiance en soi et de renouer avec le plaisir de vivre… avec les autres.

Très certainement, ce que nous retiendrons de ces premiers mois de l'action, c'est la fierté exprimée et partagée par tous les locataires d'emprunter la même entrée de l'immeuble que les écoliers de retour de l'école, que les ménagères qui sortent pour les courses : cela redonne le sentiment d'avoir enfin une position sociale plus valorisée et d'exister aux yeux des autres.

Nous reviendrons plus tard, à travers cette chronique, pour parler de cette expérience.